Trois heures avant l’aube

de Gilles Vincent
aux éditions Jigal,
18,50€

Trois heures au milieu d’une nuit, en compagnie de ce quatrième tome des enquêtes de la commissaire Aïcha Sadia et de sa joyeuse équipe, et vous reposez le livre dans un drôle d’état, une espèce d’exaltation pensive. Car il y a de l’audace, pas mal d’audace même, et du boulot, dans ce nouvel opus : à la fois dans la construction, la gestion du temps et des codes du roman policier, tout autant que dans l’engagement des protagonistes et leurs causes tourmentées.
Plus grave que les précédents, cet ouvrage met en scène trois personnages ancrés dans leur XXIème siècle : un jeune djihadiste en puissance, une femme obsessionnelle aux prises de ses terreurs, et un quinquagénaire vulgairement licencié au terme de trente ans de carrière. Trois intrigues convergentes, portées chacune par une variante du désespoir ambiant qui suinte à notre époque, mais qui finalement peuvent se transposer dans d’autres contextes à d’autres siècles. Auteur de polars au départ, Gilles Vincent flirte donc de plus en plus avec le roman noir, ses intrigues s’imprègnent de satire politique et sociale, ses personnages prennent de l’épaisseur en se confrontant aux peurs et fantasmes collectifs. Au-delà de la dimension romanesque propre au genre noir qui est d’explorer certains aspects d’une société malade, l’auteur conserve le style haletant qui lui est habituel, son sens du suspense reste intact, et ses dialogues sont toujours aussi corrosifs. Un livre qu’on prend en main et qu’on ne lâche qu’après l’avoir dévoré d’une traite.

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