Des livres marquants sortis dans l’année ou de nouvelles éditions en poche, des voix puissantes, des écritures singulières… Que du bon !
Le déluge, Stephen Markley, Albin Michel
Un grand roman américain !
Le deuxième roman de Stephen Markley marque un grand coup. Sur une intrigue tendue et des destins qui se cognent au réel, l’auteur déploie une réflexion subtile et radicale des enjeux contemporains, politiques, sociaux et de leurs mutations fracassantes à venir. Entre l’intime et le collectif, violence et compromission, un grand roman polyphonique et des personnages difficiles à oublier ! Une lecture au long cours qui reste !
Cabane, Abel Quentin, L’Observatoire
Un grand roman jouissif et passionnant où Abel Quentin réinvente le destin des quatre rédacteurs du rapport Meadow. Dans un style rapide et efficace, il parvient à tisser une trame terriblement romanesque avec une multitude de références, donnant corps à diverses figures des mouvements techno-critiques (Ellul, Grothendieck, Arne Naess).
Nord sentinelle, Jérôme Ferrari, Actes sud
Quelle plume ! Le ton est mordant (voire misanthrope), la construction sophistiquée et tellement maîtrisée ! Un rythme singulier fait de phrases longues et chargées de détails qu’on lit avec avidité tant il nous captive et nous fait rire. Jérôme Ferrari s’attaque aux Corses et aux non-Corses, aux petites dynasties de mafieux orgueilleux et aux touristes trop nombreux au goût de son personnage principal, anti-héros désabusé qui ne manque pas d’auto-dérision.
Chanter, swinger, faire la bringue comme à Noël, Maya Angelou, Notabilia
Un livre extraordinaire, plein de musique et de vie. Dans un style fluide, sans fards, Maya Angelou raconte son histoire, celle d’une jeune mère, noire et pauvre, dans l’Amérique et l’Europe des années 1950. Artiste talentueuse et pleine d’audace, elle fait ses premiers pas dans les cabarets de San Francisco puis intègre une compagnie d’artistes noirs américains qui part en tournée internationale pour jouer l’opéra Porgy and bess de Gershwin. Ce texte publié en 1976 aux États-Unis et jamais traduit en France est absolument enthousiasmant.
Theodoros, Mircea Cartarescu, éditions Noir sur blanc
Autour de la figure de Téwodros II, empereur d’Éthiopie au milieu du XIXe siècle, Cartarescu déploie un roman foisonnant, d’une ampleur sidérante, qui brouille les pistes de la vérité historique, mêle le picaresque, l’épique, le biblique, dans une écriture éblouissante.
Caravansérail, Francis Picabia, éditions Sillage
Écrit en 1924, à l’apogée du mouvement Surréaliste, cet unique roman de Picabia ironise volontiers sur ses contemporains de l’avant-garde artistique dont il participe pourtant pleinement, dans un récit d’une liberté totale, décousu et jubilatoire !
La vie têtue, Juliette Rousseau, Cambourakis
C’est une lettre à une sœur disparue et une déclaration d’amour à la vie — sous toutes ses formes — qui se perpétue.
Bouleversant et beau ; une pépite.
Je chante et la montagne danse, Irene Sola, éd. Points
Envoûtant, déroutant… Une des lectures les plus marquantes de l’année.
Les sept maisons d’Anna Freud, Isabelle Pandazopoulos, Actes sud
Joliment conté, ce roman biographique nous fait découvrir le parcours tout en clairs-obscurs de la dernière fille de Sigmund Freud, depuis ses années mal assurées d’apprentissage jusqu’à son affirmation comme continuatrice des explorations de son père.
À travers ces six courtes nouvelles, Wilkins brosse un magnifique tableau de la Nouvelle-Angleterre à l’orée du XXe siècle. Alors que la machine capitaliste broie sans états d’âme les femmes et hommes qui sortent perdants de son jeu de dupes, six arbres – un orme, un bouleau blanc, un grand pin, un sapin baumier, un peuplier d’Italie, un pommier – offrent un dernier recours à celles et ceux qui savent leur prêter attention. Six arbres, ou six façons de se raccrocher aux branches quand l’existence vacille, racontées avec générosité par une styliste experte.
Pour Britney, Louise Chenevière, P.O.L
Il neige sur le pianiste, Claudie Hunzinger, Grasset
Nous aimons l’écriture de Claudie Hunzinger, libre, vive et au service d’un récit qui laisse émerger les moindres tressaillements de l’existence ; une véritable ode à la musique, aux sens, à la langue, au corps, à la nature. Le tout d’une légèreté, d’un rythme qui rappellent la liberté des écrivains du XVIIIe siècle.
Rue Castellana Bandiera, Emma Dante, éditions du Chemin de Fer
Dans une langue explosive et un rythme accéléré, Emma Dante fait sauter tous les carcans et nous embarque dans des scènes de vie pleines de vacarme, parfois crues, parfois tendres, faisant entendre des personnages en quête d’une place dans le tourbillon de la société. Le livre écrit en italien et en sicilien est traduit en français avec des passages en occitan provençal, une gageure de traduction !